Un reportage du magazine « Temps présent » diffusé sur la RTS a révélé au grand jour la participation de l’aventurier Mike Horn à une unité d’élite réputée pour sa cruauté.
Tout le monde connaît Mike Horn, l’aventurier qui a descendu l’Amazone en hydrospeed, qui a traversé l’Antarctique en 57 jours seul et sans assistance, qui a fait le tour de l’équateur en 17 mois sans moyen de transport motorisé…
Mais peu savent que sous le régime de l’apartheid il était lieutenant dans les forces spéciales
sud-africaines et a participé aux combats à la frontière nord de la Namibie.
C’est sur ce passé trouble qu’a enquêté le magazine suisse « Temps présent ».
Dans un reportage diffusé le 19 janvier sur la chaîne RTS, les journalistes remontent en 1986.
Mike Horn a 19 ans lorsqu’il rejoint volontairement le bataillon 101, une unité d’élite chargée de traquer les insurgés indépendantistes namibiens et réputée pour son efficacité au combat et sa cruauté.
« C’était notre métier. Nous étions considérés comme la meilleure unité de contre-insurrection au monde. […] C’était la guerre donc forcément il y a des choses désagréables. Non seulement nous nous tirions dessus, mais nous nous roulions les uns sur les autres. En fait, les ennemis ne pouvaient pas nous écraser parce qu’ils étaient au sol, mais nous avions des véhicules. Et l’arme du conducteur est son véhicule. Donc si quelqu’un le visait, il n’avait pas le temps de s’arrêter et de tirer. Il roulait sur lui. Et c’est comme ça. C’était la guerre » dit l’ancien supérieur hiérarchique de Mike Horn, Waal de Waal.
C’est à cette époque que l’aventurier perdit une phalange. « Mike était allongé sur le toit, sur une des écoutilles du Casspir, le conducteur est passé au milieu des arbres, une branche a touché le coin qui maintenait l’écoutille ouverte et l’écoutille est tombée.
En tombant, comme il avait ses doigts dessous, cela lui a sectionné la phalange, a détaillé Pierre Blignaut, ancien officier du bataillon 101.
Une version bien différente de toutes celles avancées par l’aventurier.
Dans un de ses livres, il écrit avoir été victime de tirs de Kalachnikov de la part de Cubains.
En 2002, dans une interview au journal suisse Liberté, il répond qu’il a perdu « le bout d’un doigt sur une mine »..
En octobre 2017, sur le plateau de « C à vous » sur France 5, il raconte
avoir dû s’amputer à cause d’engelures lors d’une expédition entre la Russie et le pôle Nord en 2003.
«Pour moi, faire partie de cette unité réputée, c’était jouer un rôle actif dans la protection de l’Afrique du Sud. Ce n’était pas chasser et tuer. Il s’agissait de chasser des gens qui voulaient tuer d’autres personnes. C’est un peu comme la police, la protection non pas pour tuer les gens mais pour empêcher les mauvais éléments de tuer les gens que j’aime, justifie Mike Horn dans un français approximatif dans le rapport.
Selon Dave Smuts, qui était alors avocat des civils dans la zone et qui est aujourd’hui juge au Windhoek Supreme Coup, « il n’y avait plus aucune application des règles de la loi ».
« Les civils ont été traités de manière épouvantable, tués. Tout comme les insurgés capturés qui ont souvent été assassinés. […] Le bataillon 101 sortait parfois complètement de la légalité. Et nous avons un exemple parfaitement documenté. Mais ils se moquaient bien de la loi, ils savaient que les autorités les renfloueraient, ajoute-t-il.
Le 30 novembre 1986 à Windhoek, la SWAPO (l’organisation du peuple du Sud-Ouest africain) a tenu une réunion pour la paix.
Au cours de celle-ci, des dizaines d’hommes armés apparaissent et le leader indépendantiste namibien Imanuel Shifidi, ancien prisonnier politique emprisonné pendant 18 ans dans la même prison que Nelson Mandela, est assassiné.
« Il a été clairement établi que le bataillon 101 a été délibérément impliqué dans cela. Il a été soigneusement planifié et exécuté », a assuré Dave Smuts.
Interrogé sur cet événement, Mike Horn a botté en touche :
« C’était il y a si longtemps. Je dois regarder dans mon agenda mais je ne suis pas sûr d’avoir été présent.
En 1990, l’aventurier quitte l’Afrique du Sud pour rejoindre la Suisse… la même année de la libération de Nelson Mandela.
De ces années au bataillon 101, Mike Horn prévient « une bonne expérience » . « Parce que cela m’a formé en tant qu’aventurier. Cela faisait partie de ma vie comme partir en expédition ou aller acheter des croissants. dit-il dans le rapport.
A quelques jours de la diffusion de « Temps présent », l’aventurier a tenu à apporter quelques précisions.
« Je faisais partie des forces officielles de l’armée sud-africaine à l’époque. J’y faisais mon service militaire obligatoire. J’ai strictement obéi aux ordres. Je n’avais pas d’affection particulière pour le régime de l’apartheid. Je ne faisais que remplir mon devoir civique » , s’est-il justifié.
Concernant l’accusation de l’implication du bataillon 101 dans l’assassinat d’ Immanuel Shifidi, Mike Horn a assuré qu’il n’était pas « présent » à Windhoek en 1986.
« Je n’ai jamais soutenu le régime d’apartheid, non seulement pendant mes obligations militaires, mais aussi une fois qu’elles ont été accomplies » ajoute-t-il avant d’assurer qu’il n’avait « plus jamais eu de relation avec le bataillon 101 ou avec ses membres » .
« Ma venue en Suisse n’est pas liée à des opérations mais est due au hasard comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer dans tous mes livres » , assurait-il ainsi alors.
Et de conclure : « Il est clair qu’aujourd’hui je regrette d’avoir participé à ces opérations, même si j’assume pleinement tout ce que j’ai fait dans ma vie« .